Retour vers le futur de Tamriel

À côté des DLC plus traditionnels, The Elder Scrolls Online (ou TESO pour les pressés) recevra donc le renfort de chapitres. Ces modules supplémentaires nécessitent de passer une nouvelle fois à la caisse, que l’on soit joueur lambda ou abonné ESO Plus depuis des lustres. Facturé 40 euros, un chapitre doit proposer au moins une trentaine d’heures d’aventure scénarisée et des nouveaux contenus en nombre. Dans le cas de TESO Morrowind, Bethesda propose notamment une nouvelle classe de personnage, un nouveau raid et se permet aussi d’intégrer le jeu de base afin de convaincre toujours plus de débutants. L’éditeur espère que l’île de Vvardenfell sera un appel du pied suffisant pour convaincre d’anciens joueurs de TESO de revenir en Tamriel, mais aussi d’attirer les nostalgiques de ce qui reste un des RPG les plus populaires de ces vingt dernières années. S’il n’était pas exempt de défauts, le Morrowind original a révolutionné le RPG en monde ouvert.

TESO Morrowind nous invite donc à fouler du pied l’île continent de Vvardenfell et pour certains d’entre-nous, il s’agit d’une sorte de gigantesque revival, un voyage dans le temps pour redécouvrir l’immense cité de Vivec ou les plus petites Balmora et Seyda Neen. Il est amusant de noter que Bethesda a soigné presque à l’excès le côté fan service de l’ensemble. Soigné parce tout ce qui a fait le charme de Vvardenfell est présent : de l’architecture singulière de la capitale à sa végétation si particulière en passant par les créatures – sympathiques ou hostiles – c’est un peu comme si nous étions de nouveaux en 2002. À l’excès parfois car il nous faut reconnaître une certaine « incohérence ». Ce sentiment est très personnel, mais TESO Morrowind se déroule 700 ans AVANT Morrowind et pourtant, l’île de Vvardenfell est très proche de celle que nous avions arpentée il y a quinze ans de cela : vous vous imaginez avec un plan de Paris dessiné en 1317 ?

Ne soyons pas trop durs dans la mesure où ce sentiment s’estompe petit à petit. Ainsi, la cité de Vivec est ici en construction et ne fait donc que ressembler à celle de Morrowind. De plus, cette incohérence laisse au moins en partie l’occasion de voyager en « terrain connu » ; les vétérans apprécieront. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les développeurs ont encore pensé à eux en permettant de créer un nouveau personnage qui débutera son aventure directement sur Vvardenfell, sans le didacticiel de base que l’on peut aussi troquer pour une introduction de la zone. Revers de la médaille, l’île est aujourd’hui peuplée d’un nombre incroyablement élevé de Gardiens de bas niveau : tout le monde semble vouloir découvrir en même temps la nouvelle zone et la nouvelle classe de personnage. Tant pis, TESO est encore un peu plus impersonnel que d’habitude. Espérons simplement que cette sensation ne durera que quelques semaines.

La joie des plaisirs solitaires

Il est une sensation qui, elle, devrait perdurer : l’impression de participer non pas un véritable MMORPG au sens strict du terme, mais plutôt à un RPG que l’on découvre à son rythme. Une sorte d’aventure en solitaire menée conjointement par de très nombreux joueurs. Bien sûr, guildes, gestion de groupes et donjons sont au menu du jeu, mais on sent que davantage de soin a été apporté à la narration, aux différents scénarios. Ainsi, les quêtes de TESO de manière générale et plus encore celles de TESO Morrowind proposent une réelle progression. La quête principale n’est plus la seule à disposer de véritables enjeux avec des choix parfois lourds de conséquences et une succession d’objectifs qui peuvent conduire le joueur sur huit ou dix missions à travers toute une région. En ce sens, cela le rapproche davantage des racines Elder Scrolls chères à de nombreux joueurs.

Ce choix revendiqué par les développeurs risque de décevoir les amateurs de MMORPG purs et durs. Ceux qui chérissent les interactions entre les joueurs et l’impression d’appartenir à quelque chose qui les dépasse en seront pour leurs frais, car on incarne une fois de plus le sauveur. Dès les premières missions proposées par Vivec, le demi-dieu de la cité, on sent que notre héros est le dernier espoir de Vvardenfell : une situation qui ravira les fans de RPG solo, mais que l’on trouve en décalage avec le concept même de MMORPG. En réalité, ce souci n’est pas nouveau dans TESO et au moment de la sortie du jeu de base, nous soulignions déjà un problème de phasing. Il s’agit du fait que ce que l’on voit sur notre écran n’est pas forcément identique à ce que voit un joueur juste à côté : l’idée est de permettre à plusieurs joueurs de « soloter » en même temps sur la même zone, mais cela nuit à l’impression d’ensemble cohérent propre au MMORPG.

S’il n’est pas nouveau, le phasing n’est hélas pas mieux géré aujourd’hui qu’il y a trois ans. Avec la mise à jour One Tamriel, le problème posé trouve un écho supplémentaire puisque tous les joueurs peuvent accomplir la même quête simultanément, et ce, quel que soit le niveau de leur personnage. Derrière One Tamriel, l’idée était de ne plus jamais bloquer un joueur parce que son niveau est insuffisant : le fait est que côté tourisme en Vvardenfell, c’est réussi. En revanche, c’est un semi-échec dès lors que sur la même zone se promènent des joueurs avec 30 niveaux d’écart. De manière générale, les plus expérimentés vont s’ennuyer avec des créatures incapables de rivaliser. Autre conséquence regrettable, on se retrouve également avec des boss de zone / mission liés au niveau du joueur et il peut être particulièrement difficile de les battre en solo. Bethesda semble pris à son propre jeu et son objectif de pousser l’aventure solo trouve ses limites.

L’aventure dans de beaux daedras

Des limites d’autant plus regrettables qu’un réel effort a été réalisé côté narration. TESO est déjà reconnu pour la qualité de ses missions qui évitent régulièrement le syndrome FedEx propre à de si nombreux MMORPG. Dans TESO Morrowind, les développeurs ont davantage soigné leur copie. Dès les premiers instants sur Vvardenfell, on perçoit la richesse des enjeux. Ici, une mission nous propose d’infiltrer des trafiquants et de détruire la prochaine récolte de skooma. Là, il faut choisir entre vendre une esclave ou lui permettre de recouvrer sa liberté. D’autres missions jouent davantage la corde sensible ou la carte de l’humour, mais il est surtout agréable d’avoir à faire à une telle variété, d’autant que les nombreux dialogues sont bien écrits. Nous regrettons tout de même que la mécanique de ces dialogues n’ait pas évolué et que l’histoire principale soit un peu trop souvent cousue de fil blanc.

Sorte de demi-dieu, Vivec est le leader de la cité éponyme. Problème, ses forces déclinent sans que son archi-mage soit capable d’en trouver la cause. On comprend mieux le caractère dramatique de cette dégénérescence lorsque l’on sait que Baar Dau – la lune en suspension au-dessus de la ville – n’est maintenue que grâce aux pouvoirs de Vivec. Son affaiblissement pourrait donc entraîner l’écrasement pur et simple de la lune sur la ville. Catastrophiste à souhait, cette trame principale un peu simpliste constitue en quelque sorte la marque de fabrique d’un Elder Scrolls, ce mince fil conducteur devant surtout permettre d’aller et venir à travers tout le pays. Sur ce plan là, rien à craindre, TESO Morrowind fait le job et l’ambiance qu’il parvient à mettre en place est d’ailleurs là pour nous pousser toujours plus loin, grâce à une bande-son de grande qualité. De Caldera à Sadrith Mora, de Khuul à Dagoth Ur, les environnements se renouvellent régulièrement, même si l’aspect esthétique est peut-être un peu en retrait.

À ce niveau, Morrowind ne bouleverse pas TESO. En 2014, le jeu n’était déjà pas considéré comme un monument graphique et ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui. Plutôt qu’une véritable refonte graphique, on retiendra donc surtout une direction artistique de qualité et une cohérence intéressante. L’ensemble supporte très bien la charge et les méga-serveurs de Bethesda ont nettement progressé depuis trois ans. Puisque nous parlons technique, il nous faut en revanche souligner le fait qu’il y a toujours des bugs et des petits problèmes de connexion / rafraîchissement qui impliquent parfois de se déconnecter / reconnecter pour compléter une quête par exemple. Plus gênant, on ne peut qu’être déçus par l’absence d’amélioration de l’interface utilisateur, qui semble se reposer sur le seul travail des modders. Heureusement, ces derniers font un excellent boulot pour affiner la gestion de l’inventaire ou de la carte par exemple.

Le gardien a tout d’un ange

Certains joueurs seront déçus de voir que ce premier chapitre n’est finalement pas si riche que cela sur le plan du contenu. En effet, Bethesda ne propose par exemple qu’une seule nouvelle classe de personnage, le Gardien. Cette cinquième classe semble toutefois capable de remplir de nombreux rôles, du DPS au healer en passant par le tank. Elle dispose pour cela d’un triple arbre de compétences : « équilibre vert » est axé sur le soin, « étreinte hivernale » vise le côté tank et « compagnons animaux » est davantage lié aux dégâts. Notez bien que maintenant, lorsqu’on créé un personnage sur TESO, seules ses compétences de classe sont directement affichées sur sa fiche. Les autres arbres se débloquent « à l’usage ». C’est ainsi que celui des voleurs devient accessible en réussissant une effraction par exemple. Celui des trois types d’armures s’obtient en équipant au moins trois pièces dudit type. Et les compétences d’artisanat arrivent avec l’utilisation de la forge ou de la table d’enchantement, par exemple.

Dans très peu de temps, quelques spécialistes de l’optimisation auront sans doute imaginé des schémas pour parfaire le Gardien, mais à l’heure actuelle, nous avons surtout été impressionnés par l’impact visuel des compétences de l’arbre « équilibre vert ». C’est donc sur celui-ci que nous nous sommes focalisés. Il semble d’ailleurs plus particulièrement indiqué si on vise le jeu en groupe : le Gardien dispose du potentiel pour être un soutien très efficace. En tant que joueur, on en veut toujours plus, mais à défaut d’avoir davantage de classes à proposer, Bethesda aurait au moins pu offrir un emplacement supplémentaire aux acquéreurs de TESO Morrowind. On ne comprend pas bien la position de l’éditeur qui ne cajole finalement pas ses plus gros joueurs : une nouvelle classe, c’est bien, pouvoir l’essayer même quand on a déjà huit personnages en « magasin », c’est mieux.

Vous l’aurez compris, on joue finalement bien plus pour le scénario, l’aventure et l’exploration que pour l’expérience de groupe. Bethesda n’oublie toutefois pas complètement les amateurs d’affrontements avec / entre les joueurs. Le conflit entre les trois alliances reste au menu dès que votre personnage atteint le niveau 10, mais la véritable nouveauté, c’est la présence d’arènes de combat. Celles-ci permettent des affrontements JcJ en 4v4v4, autrement dit en trois équipes de quatre joueurs chacune. L’idée est amusante et les curieux s’y essaieront avec plaisir. Hélas, le gameplay des combats de TESO ne sied pas exactement à ces champs de bataille : tout manque de nervosité, de patate et la précision n’est pas toujours de mise, transformant les assauts en pugilats désordonnés… peut-être qu’avec le temps, les parties se structureront davantage. Enfin, avec les Salles de la fabrication, Bethesda met en place un nouveau raid conçu pour douze joueurs : un raid bien fichu et qui nous semble bien plus intéressant que le JcJ.

Verdict

Depuis la sortie de The Elder Scrolls Online, Bethesda n’a pas chômé. Il s’agit sans aucun doute du meilleur compliment que l’on peut faire aux développeurs : l’excellence de leur suivi permet, trois ans plus tard, d’éprouver toujours autant de plaisir à arpenter Tamriel. En ce sens, TESO Morrowind rempli à merveille l’objectif que s’était fixé le studio. Il nous invite à un voyage dans le temps pour (re)découvrir l’île de Vvardenfell. Une exploration qui décevra peut-être les puristes du MMORPG, mais qui ravira les explorateurs un peu contemplatifs. Ces derniers prendront un immense plaisir à traverser les paysages volcaniques et les marais, à rencontrer de multiples PNJ pour des aventures renouvelées comme rarement. Attention cependant, s’il ne renie pas complètement ses racines MMORPG et intègre ce qu’il faut de guildes, de groupes et de raids, TESO se positionne plus que jamais en héritier solo de la franchise Elder Scrolls.

6.8

Good

  • (Re)découverte du Vvarfendell de Morrowind
  • Narration réussie et engageante
  • Nouvelle classe de Gardien intéressante
  • Bande-son de grande qualité

Bad

  • Une orientation « solo » qui décevra certains
  • Un phasing trop présent et parfois maladroit
  • Interface et technique encore largement perfectibles
  • Des combats encore trop mous
  • Donjons et contenus en retrait